Le Scaphandre et le Papillon
Un film de Julian Schnabel
D’après l’œuvre éponyme
de Jean-Dominique Bauby
Avec Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, Anne Consigny, Marina Hands, Marie-José Croze, Patrick Chesnais, Niels Arestrup, Jean-Pierre Cassel, Max von Sydow…
« Locked-in syndrome ». Trois mots plutôt incongrus pour « expliquer » un état de paralysie extrême. Un esprit sain dans un corps malade, un esprit libre et intact dans un corps entièrement paralysé, l’enfermement à l’intérieur de son propre corps, avec comme seul moyen de contact le battement d’une paupière.
Cet état, c’est l’état dans lequel s’est retrouvé Jean-Dominique Bauby en 1995. Le rédacteur en chef du magazine Elle venait de subir un accident vasculaire cérébral extrêmement grave.
Enfermé dans son corps, dépendant du monde extérieur avec lequel il ne pouvait que communiquer grâce à l’aide de sa paupière valide, il décida « d’écrire » Le Scaphandre et le Papillon, le récit de son état, le récit de cette vie bouleversée, de cette vie privée de tout contact, privée de cris, de rires, de paroles.
Julian Schnabel, artiste avant tout, a fait de rares incursions dans le cinéma, pourtant celles-ci furent remarquées. Il a tout d’abord filmé Basquiat, œuvre passionnante sur Jean-Michel Basquiat puis il s’est intéressé dans Avant la Nuit à Reinaldo Arenas.
Pour sa troisième réalisation, il s’éloigne un peu du monde artistique, un peu seulement, en adaptant ce livre de Bauby. Une adaptation qui est loin d’être évidente où il fallait éviter de sombrer dans le sentimentalisme.
Schnabel réussit à éviter cet écueil et réalise une œuvre magnifique, touchante, passionnante de bout en bout. Nous connaissons le début, nous connaissons la fin, mais pourtant rien ne nous éloigne de Jean-Dominique Bauby, un homme parmi tant d’autres, victime d’un destin cruel. On s’attache à son récit, lyrique, dramatique, à cette vie qui lentement s’évanouit mais sans pour autant qu’elle soit abandonnée.
Car Bauby suivait également une rééducation dans l’hôpital où il se trouvait, même si les progrès étaient infimes, lents, et ne laissaient que peu d’espoir à la survie de l’homme à son état.
On pense souvent à Mar Adentro, le film d’Alejandro Amenabar qui évoquait lui aussi le handicap et la dépendance.
Mathieu Amalric incarne avec grand talent le rôle du journaliste, et autour de lui une mosaïque de personnages, du personnel de l’hôpital à cette femme qui fût la confidente de ses pensées pour écrire le livre, de son père (émouvant Max von Sydow), à l’ex-otage au Liban dont le destin est lié à Bauby (Niels Arestrup), de sa famille à sa maîtresse… Une mosaïque qui fait écho à notre propre vie.
Qui serions-nous dans l’état de Jean-Dominique Bauby ? Comment réagirions-nous ?
Julian Schnabel ne cherche pas à donner de réponse mais son adaptation est un hommage à Jean-Dominique Bauby et à son œuvre.
Grâce à une réalisation à la fois artistique (cadrage flous, perception depuis l’œil de Jean-Dominique) et à une voix off longuement présente, nous nous retrouvons à la fois dans le scaphandre, emprisonnés, mais aussi dans la peau du papillon, libre, prenant l’air du large et cherchant l’évasion.
Le Scaphandre et le Papillon est une œuvre intime et un hommage à un homme ordinaire frappé par le destin.
Une œuvre à découvrir, à vivre, à ressentir.
Arnaud Meunier
03/06/2007